Sortie du rapport spécial du GIEC sur le changement climatique global le 8 octobre 2018 : étude du seuil de réchauffement de +1.5°C (SR1.5)

(article 21) La Conférence des Parties (COP21) invite le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) à présenter un rapport spécial en 2018 sur les conséquences d’un réchauffement planétaire supérieur à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels et les profils connexes d’évolution des émissions mondiales de gaz à effet de serre.

Invitation acceptée par le GIEC à sa 43e session à Nairobi, Kenya, 11 – 13 April 2016. Ce rapport a été réalisé sous la houlette des trois groupes de travail du GIEC par 86 auteurs et "review editors" issus de 39 pays.

Photo SR 1.5

Voici les conclusions principales de ce rapport :

Le réchauffement global atteindra + 1.5°C, voire plus, en 2040

Le réchauffement global a atteint en 2017 approximativement 1°C (avec une incertitude de 0.2°C) au-dessus du niveau pré-industriel de la fin du 19e siècle. Il est prouvé que le responsable de ce réchauffement est l’émission des gaz à effet de serre (GES) et qu’il s’accroit actuellement en moyenne de 0.2±0.1°C tous les 10 ans. A ce rythme, le seuil de +1.5°C sera atteint vers 2040. Ceci est une valeur moyenne à l’échelle du globe, car il y a de nombreuses régions où ce réchauffement est plus rapide (par exemple la Méditerranée ou les régions arctiques). Le réchauffement est par ailleurs plus marqué sur les continents que sur les océans et certaines saisons (souvent l’été) sont plus affectées que d’autres. Aujourd’hui rien ne garantit que la limite de +1.5°C pourra être respectée.

+1.5 °C versus + 2°C : des conséquences non proportionnelles

Les risques pour les systèmes naturels et humains sont significativement plus faibles pour un réchauffement global de +1.5°C que pour +2°C, mais les conséquences dépendent des régions, de leur niveau de développement, de leur vulnérabilité et des mesures d’adaptation et d’atténuation mises en place. Les risques sont par ailleurs plus faibles pour un réchauffement graduel plafonnant à +1.5°C que pour un « overshooting » (c’est-à-dire un dépassement temporaire du seuil de +1.5°C suivi d’un retour en dessous de ce seuil avant 2100).

Les populations pauvres sont les plus touchées par le réchauffement climatique et ses conséquences

La capacité d’adaptation des écosystèmes naturels et anthropiques et des sociétés au réchauffement global dépend de mesures prises pour renforcer une résilience socio-écologique. Un développement durable et l’éradication de la pauvreté sont des facteurs importants de l’adaptation au réchauffement climatique, car les pauvres (pays pauvres et populations pauvres des pays plus riches) sont extrêmement touchés non seulement par le réchauffement, mais également par les politiques de réduction des GES.

 

Si on arrive à limiter le réchauffement à +1.5°C au lieu de +2°C par rapport aux valeurs pré-industrielles, on en retirera des gains sensibles pour différents secteurs :

·  les températures extrêmes ainsi que les tempêtes, inondations, sécheresses seront nettement moins fréquentes

· la ressource en eau, en particulier en région Méditerranéenne et en Afrique du Sud sera mieux préservée

· la perte de biodiversité terrestre, particulièrement les plantes, les vertébrés, les insectes sera divisée par deux

· les feux de forêt, les espèces invasives seront moins présents

· la superficie des écosystèmes secs dégradés sera divisée par deux (les écosystèmes humides étant plus résilients)

· la toundra subira une moins forte réduction par empiètement de la forêt

· le pergélisol conservera deux millions de km2

· certains services écosystémiques, comme le stockage du carbone par les sols et la biomasse, seront mieux préservés

· la biodiversité marine souffrira moins de l’effet combiné du réchauffement, de l’acidification et de l’hypoxie (diminution de l’oxygène dissous), spécialement les récifs coralliens et les écosystèmes de la glace de mer

· la fréquence d’étés avec fonte complète de la glace marine restera dix fois plus faible

· les espèces marines, en particulier celles qui ont une enveloppe calcaire (coquillages, coccolites, coraux) résisteront nettement mieux

· le niveau moyen des océans restera 10 cm plus bas, exposant 10 millions de gens en moins

· la santé sera moins altérée dans les ilots de chaleur urbains

· la production agricole, en particulier dans les régions tropicales, subira une baisse de rendement moins forte

 

 Si l’on dépasse temporairement le seuil de +1.5°C, certains effets seront irréversibles

Cela s’applique aux écosystèmes terrestres en général, et aux glaciers en particulier. Les récifs coralliens seront déjà détruits à 70-90% pour +1.5°C. L’effet sur le niveau de la mer lié à l’augmentation des GES sera ressenti bien après 2100. Les options d’adaptation seront beaucoup plus facilement mises en place avec un réchauffement limité à +1.5°C par des investissements dans la santé, la sécurité, l’assurance, la gestion du risque et l’éducation.

Que faire pour rester en-dessous de +1.5°C ?

Toutes les trajectoires d’émission conduisant à maintenir la température globale en dessous de 1.5°C, impliquent des réductions rapides de CO2  et d’autres gaz pour atteindre la valeur zéro au milieu du siècle (le stockage doit compenser les émissions). Pour optimiser les chances de satisfaire les Accord de Paris avec un dépassement temporaire limité à maximum 0.2 °C, il faudrait atteindre les émissions zéro en 2050 (contre 2075 pour 2°C). Pour cela, les émissions de GES doivent être réduite de 45% en 2030 par rapport à 2010 (contre 20% pour 2°C). En parallèle, il faut retrouver des capacités de stockage optimales et durables. La compensation par stockage de carbone doit être basée sur une grande diversité de méthodes (afforestation, reforestation, utilisation de la biomasse des déchets, amélioration du stockage de carbone dans les sols, …). Les chances de succès dépendent de la capacité des institutions et des gouvernements à la mettre en place avec la participation des populations. Néanmoins, l’objectif de +1.5°C doit davantage cibler une diminution réelle des émissions du CO2 plutôt qu'augmenter le stockage..

La réduction d’émission de CO2 doit être radicale

Pour que la réduction en émission de CO2 soit efficace, il faut privilégier des mesures ayant des bénéfices doubles, celles qui combinent la lutte contre le changement climatique et qui ont d'autres effets souvent plus immédiats, par exemple la conservation de la biodiversité et des écosystèmes, la restauration des sols,  la qualité de l’alimentation,  la santé. En parallèle, des économies d’énergie importantes doivent être visées, avec une plus grande part de consommation d’électricité dans la demande énergétique par rapport à la consommation d’énergie d’origine fossile. La part des énergies renouvelables doit atteindre 49-67% en 2050, et la part du charbon diminuer à 1-7%. Il faut également maintenir l’intensification de l’occupation des terres (urbanisation) à des valeurs soutenables. Le mode d’alimentation doit également changer radicalement en réduisant les protéines animales. Enfin, l’industrie doit réduire de 70-90% ses émissions en 2050 par rapport à 2010, et le transport individuel motorisé doit radicalement diminuer.

 

Pour être efficaces, les mesures pour limiter le réchauffement à +1.5°C doivent viser également à réduire les inégalités

Le coût marginal du carbone (c’est-à-dire le coût de la dernière tonne évitée) varie d’un facteur trois à quatre selon qu’on vise un objectif de 2°C ou 1.5°C. Ainsi l’ambition de 1,5°C exige une aide conséquente à destination des pays en développement et pour les pauvres en général. L’enjeu majeur est qu’on ne peut imaginer enclencher la transition qu’à la condition qu’elle ne se traduise pas par plus de chômage à court terme, ou bien par un ralentissement de sortie de la pauvreté dans les pays en développement. Les mesures d’atténuation pour l’objectif +1.5°C peuvent engendrer des effets négatifs sur le développement tel que pensé aujourd'hui (par exemple diminution du PIB lié à l’utilisation des énergies fossiles), mais à plus long terme la diversification de l’économie et du secteur énergétique peut faciliter la transition environnementale. Les trajectoires de développement durable associées à des enjeux d’atténuation et d’adaptation pour limiter le réchauffement à +1.5°C couteront moins cher à long terme que celles basées sur une plus grande fragmentation de la société et des inégalités accentuées. Cela requiert une forte coordination institutionnelle, sociale, culturelle, économique et technologique.