Comment juger les progrès ou absence de progrès réalisés à la COP21 ?

DEUX POINTS DE VUE

 

Lucie Schurr & Axel Peyric
(étudiants Master SET, spécialité Système Terre : Environnement, tectonique, géomorphologie et paléoclimat)

La 21e conférence des parties à la CCNUC* s’est terminée samedi dernier à Paris : 195 pays étaient réunis pour aboutir à un nouvel accord international (applicable en 2020) concernant la baisse des émissions de GES** et l’adaptation des sociétés aux dérèglements climatiques déjà existants. Cette réunion marque la forte mobilisation des Etats du monde entier qui ont affiché leur volonté d’agir pour le climat. Mais au-delà du succès médiatique, quels sont les réels progrès que permet l’Accord passé lors de cette COP21 ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un consensus international

Au regard de l’impasse sur le climat depuis Copenhague, l’objectif premier de la COP21 était de relancer les discussions et de parvenir à un consensus international. L’objectif majoritaire était de trouver un accord entre les pays pour limiter le réchauffement climatique à +2°C par rapport à l’aire préindustrielle en réduisant l’émission des GES**. Au cours de la semaine à Paris, les discussions faisaient ressortir un nouvel objectif de +1,5°C. Dans l’Accord signé samedi, le plafond de cette température mondiale sera finalement un compromis : maintenir la température en-dessous de +2°C tout en réalisant tous les efforts possibles pour tendre vers +1.5°C.

 

Le conflit « Nord-Sud » : un frein aux négociations

Mais la question la plus débattue durant cette COP21 a été la « responsabilité commune mais différenciée » des Etats. D’un point de vue historique, ce sont les pays développés (hémisphère nord) qui sont responsables de l’augmentation des GES**. Ils doivent alors, selon les pays en voie de développement qui ne veulent pas que l’accord freine leur essor économique, s’engager plus dans les mesures climatiques. Les Etats du nord souhaitent voir des pays émergents très pollueurs, comme la Chine ou l’Inde, mettre la main au porte monnaie, notamment pour aider au financement des aides aux pays les plus pauvres pour leur passage aux énergies renouvelables.

 

Une prise de conscience mondiale

Un grand point positif de ce rassemblement est sa médiatisation durant cette semaine : c’est sûrement le premier évènement de ce genre à ce niveau de diffusion. Pourquoi cela est positif ? A travers cette diffusion, les personnes non initiées au concept de changement global (il en reste encore malheureusement trop…) ou non touchées directement par lui, ont pu alors prendre conscience de l’ampleur du problème auquel la Planète et la totalité de sa population faisait face. Il est vrai que les impacts du changement climatique sont souvent décalés temporellement (le point de basculement sera atteint dans plusieurs années seulement) et/ou spatialement (les impacts sont plutôt visibles dans l’hémisphère sud) par rapport à nous, et le public a parfois du mal à prendre conscience de l’urgence tout comme les politiques. La COP21 a donc permis une prise de conscience du grand public et des politiques permettant d’arriver à un accord global sur le climat, et d’activer les décisions pour la lutte contre le dérèglement climatique et leurs financements. Un bon exemple est "le Plan d’Actions Lima-Paris" mis en place pour faciliter les projets coopératifs entre des pays des deux hémisphères sur des problématiques comme la forêt, l’agriculture, les transports ou encore les énergies renouvelables.

 

Des objectifs contraignants

On peut se féliciter également de l’objectif plus ambitieux de +1.5°C, ligne directrice de nombreux pays insulaires directement menacés par le réchauffement climatique à l’origine de la montée du niveau des eaux. Cet objectif montre bien la volonté des pays à agir mais, bien que la bonne volonté soit louable, est-il envisageable ? Les scientifiques sont formels : cet objectif sera forcément dépassé. En effet, même les +2°C seront probablement impossibles à atteindre, alors pourquoi évoquer un seuil encore plus irréaliste ? Pour pousser à accélérer les transferts de technologies efficaces et moins émettrices de GES** vers les pays du Sud et augmenter l’adaptation aux changements climatiques afin d’en limiter les dégâts ? C’est un point de vue très optimiste, considérant que le texte n’émet aucune obligation des pays riches à respecter l’objectif de +1.5°C et concède même qu’il existe un « écart significatif » entre les promesses agrégées des Etats en termes d’émissions de GES** et l’objectif climatique. Le tout est de faire au mieux pour s’en rapprocher…

 

Des questions à préciser

Le problème de différenciation des pays « Nord-Sud » n’est toujours pas réglé. Et lorsqu’on analyse l’accord, on remarque qu’il n’y a pas de proposition réellement chiffrées et datées précisément : il faut réduire les émissions de GES** pour diminuer la température mondiale, mais la mise en œuvre n’est pas claire. 

De plus, certaines questions, comme celle des transports maritimes et aériens, ne sont pas évoquées dans l’Accord final : pression des lobbies des énergies fossiles ou volonté gouvernementale ?

 

Une mise en place lente

L’accord entre toutes les nations est certes un grand pas en avant, mais il ne faut pas oublier qu’il doit être ratifié dans chaque pays signataire avant d’être réellement adopté et que même après ratification, il n’entrera en vigueur qu’en 2020. Sachant que la Terre subit déjà le changement climatique depuis plusieurs décennies, et que le point de bascule (vers un non retour possible) est sûrement proche, nous sommes en droit de nous demander : est-ce vraiment efficace de mettre en place ces actions dans seulement 5 ans et cela a-t-il vraiment un intérêt ? Probablement plus que de rien faire ou faire pire (comme le prévoyait la Turquie dans son rapport prévisionnel rendu avant la COP21). 

Et pour finir, on remarque que les plans de la COP21 ne vont généralement pas au-delà de 2030, et l’on sait que certains objectifs pourtant nécessaires auront du mal à être atteint à ce moment là. Et après ?....

Cette COP21 n’est donc que l’important et nécessaire premier pas dans la lutte de l’humanité (qui promet d’être longue) face aux conséquences de ses actes passés, mais elle ne règle pas tout.

* CCNUCC : Convention-Cadre des Nation Unies sur les Changements Climatiques
** GES : gaz à effet de serre

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Brahim BENLADGHEM & Sabrina REBAH 
(étudiants Master SET, spécialité Système Terre : Environnement, tectonique, géomorphologie et paléoclimat)

L’atmosphère de notre planète se réchauffant à cause des émissions de gaz à effet de serre produites par l’activité humaine, une prise de conscience a eu lieu. C’est ainsi que s’est tenue à Paris la COP21, avec pour but d’apporter une réponse à ce phénomène qui met en péril l’avenir de la présence humaine dans certains endroits de la planète.

Cet accord marque un réel tournant dans le monde. L’objectif est de maintenir le seuil d’augmentation de la température en dessous de 2°C. Les scientifiques considèrent que des grands risques existent au-delà. L’accord appelle à tendre vers 1,5°C d’augmentation, afin de préserver les États insulaires, directement menacés par la montée des eaux.
Les différents pays ont publié leur plan d’action pour faire baisser leurs émissions. Cependant, le réchauffement de la planète risque encore de se situer entre 2,7 et 3 degrés, soit au-dessus du seuil fixé par les scientifiques. La COP21 appelle chaque état à revoir à la hausse tous les cinq ans dès 2020 leurs contributions.

Les émissions devront atteindre un pic « aussi vite que possible », avant d’atteindre la « neutralité des émissions ». L’objectif étant de quitter progressivement les énergies fossiles les plus polluantes.

100 milliards de dollars seront consacrés chaque année dès 2020 aux pays afin de s’adapter aux changements climatiques ou de faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Ces financements devraient augmenter. En attendant un nouvel engagement chiffré en 2025, des pays en développement, pourront volontairement devenir des donateurs envers les pays les plus pauvres.

Cependant de nombreux points restent discutables et n’ont pas apporté les réponses attendues. Le premier acte concerne l’établissement de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet il est convenu qu’elles doivent atteindre « un pic aussi rapidement que possible », avant de diminuer jusqu’à atteindre un stade où elles pourront être intégralement capturées par la végétation et les océans : c’est la neutralité carbone. Aucun objectif chiffré n’a été établi et il n’est pas assuré que le réchauffement ne dépassera pas 2°C.

À cela s’ajoute le cas des énergies fossiles. De nombreuses voix se sont élevées pour entrer dans l’ère du 100% renouvelable, et ont préconisé une taxation sur le carbone durant la COP21, au détriment des pays dont l’économie dépend du pétrole et du charbon. L’Arabie saoudite, leader de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), et le Venezuela ont réussi à exclure toute référence à l’instauration d’un prix du carbone.

Un autre élément essentiel concerne les activités liées au transport. En effet, celles-ci peuvent représenter un tiers des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050. Les vols aériens contribuent à 2,5% des émissions mondiales de CO2, et le trafic maritime à 2,2%. Cependant leurs rejets augmentent crucialement et risquent d’avoir un impact majeur d’ici la moitié du siècle. L’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre des avions et des bateaux de marine marchande était initialement prévu, mais de nombreuses nations dont notamment les États-Unis et la Chine qui voient leurs économies reposer cruellement sur les échanges de marchandises ont réussi à les exclure du bilan.

Aussi, l’impact des océans a été quasiment négligé à la différence des forêts. Bien que les mécanismes ne soient pas encore totalement déterminés, les océans permettent d’absorber près d’un quart des émissions annuelles de CO2 et jouent un rôle de pompe. Il aurait été préférable d’avoir un intérêt plus poussé sur ceux-ci durant la COP21, notamment en interdisant les rejets de déchets plastiques et en favorisant leur étude. Au-delà du manque d’informations scientifiques sur les océans, la raison de cette négligence s’explique par le fait que d’un point international, les océans n’appartiennent juridiquement à aucun état.

Enfin, d’un point de vue juridique, il n’y a pas de mécanisme de sanction. Seuls des engagements volontaires de transparence et de bilans réguliers ont été retenus, sans aucune conséquence pécuniaire ou juridique. Dans le cadre légal, la COP21 a fourni un accord et non un protocole et doit encore faire l’objet d’une ratification pour pouvoir entrer en vigueur.

En définitive, la COP21 est effectivement un espoir et une avancée historique concernant l’avenir de notre planète, ne serait-ce en étant la preuve d’un éveil des consciences. Mais l’accord est loin d’être exhaustif et mérite encore de nombreux éclaircissements. L’influence pesante des grandes puissances industrielles et la croissance des pays émergents démontrent de l’importance de trouver une solution politique. Ainsi de nombreux enjeux sont à relever, le prochain rendez-vous étant la COP22 à Marrakech en novembre 2016.