Du 17 au 19 décembre 2018 s’est déroulé le deuxième colloque national « Pour l'adaptation des territoires aux changements climatiques : risques - ressources - transition(s) » organisé par le GREC-Sud et Air Climat à l’Hôtel du Département, Marseille. Trois journées à l’interface entre la recherche, les décideurs, les collectivités, les associations et les citoyens, riches de constats et d’échanges quant aux actions à mener face à l’urgence climatique.

Organisées en partenariat avec  trois programmes pour le climat (CNFCG, GICC – MTES et Future Earth), ces trois journées ont rendu possible la rencontre de plusieurs élus (dont le conseiller départemental Bruno Genzana, la conseillère régionale Anne Claudius-Petit, ou Mireille Benedetti, conseillère régionale PACA) avec des groupes de scientifiques issus de laboratoires de recherche régionaux et nationaux,  avec des associations et institutions environnementales (ADEME, Cité de l’Agriculture, Comité 21), et avec un large public.

Trois jours, trois thématiques

Coté conférences, la première journée intitulée « Océan, mer et littoral face au changement climatique » s’est articulée autour des interventions et des résultats de recherche de Thierry Perez (Directeur de recherche CNRS à l'IMBE), Jean-Pierre Gattuso (directeur de recherche CNRS au Laboratoire d'océanographie de Villefranche) ou Jean Jalbert (directeur général de la Tour du Valat). Le phénomène des canicules sous-marines et leurs conséquences sur la biodiversité, dont les signaux d'alarme datent des années 90, ont posé le contexte. Puis la vulnérabilité de « notre unique Océan » a été soulignée, océan dans lequel chacun de nous apporte chaque jour 4Kg de CO2, en oubliant souvent toutes les solutions qu’il pourrait nous offrir (végétation, énergies renouvelables, ressources…etc). La conclusion de ces problématiques ? « Il est peut-être temps que, dans le contexte de changement global actuel, nous écrivions une histoire des zones littorales non plus basée sur la conquête et la maîtrise, mais plutôt sur l’adaptation et la résilience, et de le faire ensemble », insistait Jean Jalbert.

La deuxième journée de conférences était dédiée aux zones urbaines : « Face au changement global, quelles villes demain ? ». Il a été question du renforcement du passage de connaissances vers les citoyens urbains, afin d’améliorer la prise de conscience et de favoriser des comportements éclairés dans nos villes actuelles et futures. Car dans les centres urbains, Virginie Migeot (Inserm) rappelle que les enjeux sanitaires sont énormes, tout particulièrement face au changement climatique. Tandis qu’au niveau des collectivités, les plans d’action et les financements existent, comme le PCAET, présenté par Alexandre Gallese et Fanny Viot, respectivement de la Métropole Aix-Marseille Provence et de l’ADEME PACA.

Enfin, la dernière journée proposait de réfléchir aux possibles « transitions(s) et leviers d’action pour les territoires », suite aux interventions scientifiques matinales : les conséquences locales du réchauffement global sont à étudier au cas par cas, et les actions devront s’adapter aux contextes particuliers des territoires. Sans oublier que « l’adaptation au changement climatique n’est pas en contradiction avec la lutte contre celui-ci : il faut absolument renforcer les 2 » insistaient Wolfgang Cramer, directeur de recherche CNRS à l’IMBE et Mireille Benedetti, conseillère régionale PACA. Les propositions de solutions n’ont pas tardé : les espaces naturels ne pourraient-ils pas orienter la gestion territoriale ? Le programme Nature 2050 (CDC Biodiversité), qui entend appliquer les recommandations de la COP 21, peut-il devenir un levier supplémentaire ? La feuille de route « Une COP d’avance » de la région Sud est-elle assez ambitieuse en termes d’objectifs ?

Débatre ensemble pour agir ensemble

Durant ces trois journées, les participants pouvaient également assister à certaines des dix tables rondes proposées pour pousser les débats et apporter des propositions sur les thématiques phares du colloque. « Faire avec » l’érosion côtière ? Nourrir les populations urbaines en limitant les gaz à effet de serre ? Quelles initiatives régionales en faveur du transfert des connaissances scientifiques ? Autant de problématiques qui ont permis à beaucoup d’exprimer leur frustration quant à la difficulté d’avancer de concert, de faire valoir ses résultats en dehors des sphères scientifiques, ou de mener des actions long terme quand le contexte décisionnel stagne souvent à une échelle temporelle très courte. Mais des propositions de fédération d’un réseau d’information et de dialogue ont également émergées. « On en a marre des dispositifs hybrides éparpillées parmi lesquels on se perd trop souvent, et au milieu desquels le message porteur d’alertes et de solutions se retrouve noyé » s’exprime un participant.  La structuration d’un « réseau climat » au niveau national pour fédérer les nombreuses initiatives (observatoires, associations, groupes d’experts…) permettrait peut être de faciliter le partage des données et d’opérer un meilleur transfert de connaissances.

La nécessité de formation des élus sur les enjeux climatiques a également animé plusieurs discussions. La conseillère PACA le confirmait d'ailleurs : « En tant qu’élue, je veux un éclairage sur la réalité, être consciente et actrice éveillée de ce qu’il se passe aujourd’hui, pour que je puisse faire mon possible à mon niveau, et sur le long terme ». Et selon elle, les Cahiers du GREC-Sud en sont un premier pas idéal. « Dans la forme, ils permettent à n’importe qui de comprendre l’essentiel pour développer un regard éclairé sur les thématiques du Climat ». Dans un même temps, d’autres ont débattu de l’importance de la co-construction des stratégies à venir, car « ce n’est pas uniquement le chercheur qui transmet » expliquait un intervenant d’une table ronde. Il y a en effet un réel besoin de développement d’un travail scientifique couplé avec un retour d’acteurs de terrain pour élaborer des actions et trouver des solutions concrètes. « Et cela nécessite avant tout de favoriser des groupes, non pas d’experts, mais d’expertise ! ».

Ainsi, alors que les conclusions du GIEC ou de la COP24, l’attaque de l’état (mouvement l'Affaire du siècle lancé par le collectif Il est encore temps) et les contestations citoyennes inondent l’actualité, ce second colloque national aura été l’occasion d’insister davantage sur l’importance de profondes mutations collectives face à l’inertie de nos instances gouvernementales concernant le climat. De rappeler que l’interface entre les productions scientifiques, les actions politiques et les mouvements associatifs et citoyens sont à privilégier, en favorisant les passerelles entre ces sphères par une médiation et une communication accrue. Et pour la suite ? Il ne reste plus qu’à développer et à faire émerger les nombreuses propositions issues de ces journées de dialogues passionnés !