C’est quoi le GIEC (IPCC en anglais) ? Quel est son rôle ? Comment les experts du GIEC travaillent-ils ?

Julien Dellaux (Doctorant), Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC)

 

Le Groupe d’experts intergouvernemental pour le climat (GIEC) (an anglais : IPCC- Intergovernmental Panel on Climate Change)

 

 

Bref historique
Si les travaux scientifiques mettant en évidence l’effet de serre et son lien avec l’augmentation de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone datent de la fin du 19e siècle [1], il a fallu attendre près d’un siècle pour qu’il fasse l’objet d’une attention politique de premier ordre [2]. Conscients du problème que pourrait poser le changement climatique à l’échelle du globe, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) ont créé, en 1988, le GIEC qui est un organe intergouvernemental composé des pays membres de l’ONU (Organisation des Nations Unies) et de l’OMM. 

Le rôle du GIEC
Le GIEC a pour fonction d’évaluer et présenter de manière impartiale les connaissances scientifiques et socio-économiques permettant de comprendre les fondements, les conséquences et d’envisager les éventuelles stratégies d’action face aux risques liés aux changements climatiques d’origine anthropiques [3].

Structure 
Le groupe d’expert se réunit en plénière une à deux fois par an. La plénière (ouverte à tous les membres et observateurs) est chargée de prendre les principales décisions, et notamment d’élire les membres du bureau, d’adopter les principes et procédures, et d’adopter les rapports. Les membres du bureau sont élus pour la durée de l’élaboration d’un rapport. Son secrétariat, chargé de superviser et de gérer les activités du groupe, se situe à Genève au sein du siège de l’OMM. Un comité exécutif a été créé par le groupe afin de faciliter son travail et de coordonner la tâche des groupes de travail et de l’équipe spéciale [4]. 
Le GIEC assure sa mission en produisant divers rapports : 

  • Des rapports d’évaluation 
  • Des rapports spéciaux (même procédure d’élaboration et d’adoption) 
  • Des méthodologies et des lignes directrices pour les Parties à la CCNUCC.

Ce travail est effectué par 3 groupes de travail et une équipe spéciale : 

  • Le groupe de travail n°1 : il est chargé d’évaluer les aspects scientifiques du système climatique et des changements climatiques. 
  • Le groupe de travail n°2 : il est chargé d’évaluer la vulnérabilité aux changements climatiques des systèmes naturels et socio-économiques. 
  • Le groupe de travail n°3 : il est chargé d’évaluer les options d’atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre et absorption de ces gaz). 
  • L’équipe spéciale pour les inventaires nationaux de gaz à effet de serre : développe des méthodologies de calcul et de notification des émissions nationales. L’équipe spéciale a été établie à la 14e session du GIEC (en 1998) pour superviser le programme sur les inventaires nationaux. Elle a pour objectif de développer et favoriser l’utilisation la plus large possible (notamment par les Parties à la CCNUCC) des méthodologies de calcul et de notification des émissions nationales de GES.

Le bilan fait par le 4e rapport d’évaluation rendu en 2007 est sans appel. La température moyenne du globe devrait connaître une augmentation de 1,1 à 6,4°C, et le niveau des océans entre 0,18 et 0,59m d’ici à 2100. Cela est la conséquence de l’augmentation de la concentration atmosphérique en GES, jugée par le GIEC comme devant être très probablement attribuée au rôle de l’activité humaine. Les cycles naturels devraient être bouleversés, impactant ainsi la sécurité alimentaire, et aboutissant à des extinctions massives des espèces. Pour maintenir la hausse de la température à 2°C, les émissions mondiales de GES devraient atteindre leur « pic » en 2015 et décroitre par la suite.
Les rapports d’évaluation comprennent ceux des trois groupes de travail et le résumé à l’intention des décideurs. Le 5e rapport doit être rendu en 2014, et le rapport du premier groupe de travail fin septembre 2013.

Les rapports d’évaluation périodiques :

Les rapports sont élaborés par les : 

  • Auteurs coordonnateur principaux : assurent la cohérence du rapport dans sa totalité. 
  • Auteurs principaux : rédigent et font appel aux auteurs contributeurs pour rédiger les sections du rapport dont ils ont la charge. 
  • Auteurs contributeurs : fournissent les informations principales. 
  • Réviseurs : évaluent la qualité des informations du projet de rapport. 
  • Réviseurs-éditeurs : aident le groupe de travail/équipe spéciale à identifier les relecteurs. 
  • Agents de liaisons : tiennent à jour une liste d’experts nationaux susceptibles de participer aux travaux du GIEC et transmettent les synthèses des observations de leur gouvernement.

 

  • Procédure d’élaboration et d’adoption des rapports [5] : 
  • Les gouvernements, les observateurs, et les bureaux identifient des experts pour chaque partie du rapport et en font une liste accessible à tous les membres. 
  • Les auteurs principaux, les auteurs coordinateurs et les réviseurs-éditeurs sont sélectionnés par le groupe et le bureau. Les auteurs principaux et les auteurs coordinateurs nomment les auteurs contributeurs. 
  • Les auteurs principaux travaillent sur la base des contributions (demandées, accessibles, ou volontaires) pour élaborer le premier projet de texte. 
  • Premier examen (par les experts) : le projet de texte est transmis aux réviseurs qui doivent communiquer leurs observations aux auteurs principaux. Les auteurs élaborent le projet de texte révisé. 
  • Deuxième examen (gouvernements + experts) : le projet de texte révisé est transmis aux gouvernements par le biais des agents de liaison ainsi qu’aux auteurs et aux réviseurs. Les gouvernements transmettent une synthèse de leurs observations aux groupes de travail et à l’équipe spéciale. 
  • La version définitive du rapport est établie par les auteurs principaux et auteurs coordonnateurs en prenant compte les observations des gouvernements et des experts. 
  • L’acceptation : le texte est présenté pour acceptation au groupe de travail ou au groupe d’expert dans le cas d’un rapport établi par l’équipe spéciale. 
  • Le rapport de synthèse : il est composé du résumé à l’attention des décideurs et de la version in extenso. Il est élaboré par une équipe de rédaction nommée par le Bureau et fait l’objet d’un double examen : par les experts et les gouvernements dans un premier temps, et par les gouvernements et observateurs dans un second temps. Le rapport de synthèse est adopté section par section, et le résumé à l’intention des décideurs est adopté ligne par ligne par le GIEC.

Ressources documentaires et bibliographiques 
Le site internet du GIEC : http://www.ipcc.ch 
Le site de la convention cadre des nations unies sur les changements climatiques : http://unfccc.int/2860.php 
BOLIN (B.), A history of the science and politics of climate change. The role of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, 277 p. 
MALJEAN-DUBOIS (S.), WEMAERE (M.), La diplomatie climatique, Paris, Pedone, 2010, 378.


[1] Trois scientifique se distinguent de par leur apport à la mise en évidence de ce phénomène : voir : FOURRIER (M.), « Mémoire sur les température du globe terrestre et des espaces planétaires », Mémoires de l’Académie Royale des Sciences, Vol. 7, 1824, pp. 569-604. Tyndall (J.), « On the Absorption and Radiation of Heat by Gases and Vapours, and on the Physical Connexion of Radiation, Absorption, Conduction.-The Bakerian Lecture. », The London, Edinburgh, and Dublin Philosophical Magazine and Journal of Science, Series 4, Vol. 22, 1861, pp. 169-194, 273-285. ARRHENIUS (S.), « On the Influence of Carbonic Acid in the Air upon the Temperature of the Ground » Philosophical Magazine ser. 5, Vol. 41, 1896, pp. 237–276.

[2] Pour un résumé des étapes menant à la création du GIEC voir : BOLIN (B.), a history of the science and politics of climate change. The role of the Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, pp. 1-51.

[3] Principes régissant les travaux du GIEC, para. 2.

[4] IPCC 33e Session, 10-13 May 2011, Abu Dhabi, UAE, Decision taken with respect to the review of IPCC processes and procedures. Governance and management, para. 1.

[5] Appendice A des Principes régissant les travaux du GIEC, Procédures à suivre pour l’élaboration, l’examen, l’acceptation, l’adoption, l’approbation et la publication des rapports du GIEC.