par Joel Guiot

Le rapport de la Direction Générale de l'Energie et du Climat sur le climat de la France au 21e siècle, sous la direction de Jean Jouzel est sorti le 8 septembre 2014 : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Rapports-climat-de-la-France-au-.html

Avant-propos

Ce rapport fournit différentes projections de variables dignes d'intérêt pour le public et le monde socio-économique à une résolution de l'ordre de la dizaine de km, résolution nécessaire pour prendre en compte correctement les effets à petites échelles comme ceux liés à l'orographie. Les simulations sont issues du couplage d'un modèle global (celui de Météo-France et celui de l'IPSL qui ont une résolution de l'ordre de 200 km) couplé à un modèle régional (à haute résolution spatiale de l'ordre de 12 km). Les deux modèles régionaux s'appellent Aladin-Climat et WRF. Les données sont disponibles sur le portail DRIAS (http://www.drias-climat.fr/ )

Résumé : sur base du scénario intermédiaire RCP4.5, les climatologues projettent les évolutions suivantes pour le 21e siècle en France Méditerranéenne :
- température hivernale : +0.5 à +2°C en milieu de siècle, +1 à +3.5°C en fin de siècle
- température estivale : +1 à +2°C en milieu de siècle, +1.5 à +3.5°C en fin de siècle
- vagues de chaleur : augmentation significative de 5 à 15 jours du milieu à la fin du siècle
- les froids extrêmes : diminution entre 0-6 jours au milieu du siècle et 2-8 jours en fin de siècle
- précipitation hivernale : -0.5 à +1 mm/jour en milieu de siècle et en fin de siècle
- précipitation estivale : -1 à +1 mm/jour en milieu de siècle et en fin de siècle
- précipitations extrêmes : tendance peu significative à l'augmentation
- périodes de sécheresse estivale : tendance à l'augmentation de 2 à 8 jours Les tendances au réchauffement sont très significatives, mais les tendances des précipitations le sont beaucoup moins. Néanmoins la tendance aux diminutions des pluies estivales conjuguée à l'augmentation de l'évaporation va augmenter la longueur et l'amplitude de la saison sèche. Concernant les événements pluvieux extrêmes, il n'y a pas encore de concordance suffisante des modèles.

Les scénarios du 5e rapport du GIEC

Les projections des changements dans le système climatique sont basées sur des simulations de modèles climatiques. Ces résultats de nouveaux scénarios appelés profils représentatifs d'évolution de concentration (RCP), « Representative Concentration Pathways » en anglais qui consistent en un ensemble de projections des composantes du forçage radiatif causés par les changements de la composition de l'atmosphère (http://climat-risque.otmed.fr/spip.php?article205#12 ). Ils sont au nombre de quatre, du plus « écologique » (RCP2.6 qui correspond approximativement à une concentration de 475 ppmv de CO2 en 2100) au plus « productiviste » (RCP 8.5, équivalent à 1313 ppmv CO2). Les plus vraisemblables, du moins si nous arrivons à accorder nos violons au niveau mondial pour atténuer quelque peu le changement climatique sont les RCP4.5 (630 ppmv CO2) et RCP6 (800 ppmv CO2). Le profil RCP2.6 est le seul compatible avec un réchauffement au maximum de 2°C. Ces projections sont assorties d'incertitudes qui sont de deux ordres : celle liée à la variabilité climatique intrinsèque et chaotique du système climatique et celle liée aux limites de nos connaissances et de leur représentation par nos modèles. Elles sont estimées ici par l'intervalle entre le premier et le troisième quartile de l'ensemble des simulations du projet Euro-Cordex (projet de régionalisation des modèles du GIEC), ce qui signifie que 50% des simulations tombent entre ces deux limites.

La température moyenne

En hiver, le changement de température atteindrait 1 à 2°C en 2050 (peu de différence selon le scénario) et 0.9 à 3.6°C en 2100 (0.4 à 1.4°C pour le RCP2.6 et 1.9 à 3.4°C pour le RCP8.5). En été, l'incertitude est plus marquée, avec, pour 2071-2100, un réchauffement de 1.2°C à 2.6°C ou 1.3°C à 5.3°C selon le modèle.

En ce qui concerne l'hiver en France Méditerranéenne, le scénario RCP4.5 donne un réchauffement de 0.5 à 2°C à l'horizon 2021-2050 et de 1 à 3.5°C à l'horizon 2071-2100, les valeurs les plus fortes étant obtenues dans les Alpes méridionales. Le scénario RCP8.5 prévoit un réchauffement de 0.5 à 2.5°C à l'horizon 2021-2050 et 3 à 5.5°C à l'horizon 2071-2100. En général les territoires continentaux se réchaufferont plus que les territoires maritimes.

En ce qui concerne l'été en France Méditerranéenne, le scénario RCP4.5 projette un réchauffement de 1 à 2°C à l'horizon 2021-2050 et de 1.5 à 3.5°C à l'horizon 2071-2100. Le scénario RCP8.5 prévoit un réchauffement de 1 à 3°C à l'horizon 2021-2050 et 3.5 à 5.5°C à l'horizon 2071-2100. Le gradient du réchauffement estival va du nord vers le sud.

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Les précipitations moyennes

En hiver, les modèles projettent une augmentation progressive des précipitations au cours du 21e siècle sur la France. En été, c'est plutôt une diminution des précipitations qui est simulée. On constate pour ce paramètre une disparité plus grande entre les modèles que pour les températures.

Afin d'étudier la variabilité spatiale des changements de précipitations, les figures suivantes montrent les cartes d'écarts de précipitations par rapport à la référence 1976-2005, en moyenne aux horizons 2021-2050 et 2071-2100. Chaque figure présente le changement de précipitations pour un scénario et une saison (hivernale ou estivale). Les deux modèles WRF et Aladin-Climat (colonnes du milieu) sont replacés parmi les 25e (C25) et 75e (C75) centiles de l'ensemble de modèles régionaux Euro-Cordex (colonnes de gauche et droite). Nous focalisons sur le scénario RCP4.5.

Les tendances pour l'hiver en France méridionale sont similaires à celles du reste de la France : de -0.5 mm/jour à 1 mm/jour à l'horizon 2021-2050 ainsi qu'à l'horizon 2071-2100 (seul le modèle WRF prévoit des augmentations allant jusque 2 mm/jour. Pour l'été, les variations vont de -1 à +1 mm/jour à l'horizon 2021-2050 ainsi qu'à l'horizon 2071-2100. Le scénario RCP8.5 projette des diminutions allant jusque -2 mm/jour. Même si globalement, un découpage Nord/Sud semble se dessiner dans l'ensemble des modèles, avec globalement davantage de précipitations au Nord, et un assèchement au Sud du pays, c'est loin d'être très significatif.

Hiver : scénario RCP4.5

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Eté : scénario RCP4.5

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Les vagues de chaleur (scénario RCP4.5)

Une vague de chaleur est définie comme une période estivale anormalement chaude durant plus de cinq jours consécutifs. Anormalement chaud veut dire que la température maximale journalière dépasse de plus de 5°C la climatologie de référence. On ne compte ici que les jours appartenant à une série de plus de 5 jours consécutifs. Donc 10 jours veut dire soit une longue période de 10 jours anormaux ou deux périodes de 5 jours. Actuellement, il n'y a en moyenne moins d'une vague par an le long de la côte méditerranéenne, mais à l'horizon 2021-2050, ce nombre ira jusque 5 (une vague par an en moyenne) et 15 en fin de siècle. Ce nombre pourra aller jusque 25 dans les Alpes méridionales.

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Les extrêmes froids (scénario RCP4.5)

On considère qu'un jour a une température anormalement basse si sa température minimale est inférieure de plus de 5 °C à une valeur climatologique de référence. Actuellement, on compte de 4 à 8 jours de froid extrême en France méridoniale. La diminution serait de 0 à 6 jours à l'horizon 2021-2050 et de 2 à 8 jours à l'horizon 2071-2100. La diminution serait plus forte en régions plus continentale.

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Les précipitations extrêmes (scénario RCP4.5)

Le pourcentage de précipitations extrêmes est défini comme la part des événements de fortes précipitations sur le total des précipitations annuelles. Une forte précipitation est une précipitation qui dépasse le 90e centile des précipitations journalières (elle est dans les 10 % les plus fortes). Les cartes pour la période de référence montrent que ces précipitations extrêmes dominent en région méditerranéenne (65 à 80%).

Les cartes 2021-2050 et 2071-2100 ont une forte disparité spatiale. Pour la région méditerranéenne, les modèles WRF et Aladin-Climat indiquent une augmentation de 0 à 3 % mais la gamme d'incertitude va de -5% à +6%. En fin de siècle, les résultats montrent un renforcement de la tendance.

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Les périodes de sécheresse estivale (RCP4.5)

La définition d'une sécheresse est assez complexe car elle dépend du domaine considéré et du point de vue dans lequel on se place. On peut en effet distinguer quatre grands types de sécheresses: météorologique, hydrologique, agricole ou encore socio-économique. Un événement sec peut être considéré comme une forte sécheresse dans un de ces domaines sans forcément l'être pour les autres (exemple: pour un agriculteur, un déficit de précipitations à une certaine période de l'année peut être néfaste sans pour autant que le sol soit suffisamment sec pour correspondre à une sécheresse du point de vue hydrologique). L'indice calculé ici, permettant de caractériser l'intensité des sécheresses du point de vue météorologique, est le nombre maximum de jours secs consécutifs. Un jour est considéré comme sec si les précipitations quotidiennes lui correspondant n'ont pas excédé 1 mm.

Les régions méditerranéennes comportent à la fois le plus de pluies fortes et le plus de jours de sécheresse. Ce nombre de jours atteint actuellement près de 30 jours. L'estimation au milieu et en fin de siècle est entachée de fortes incertitudes, avec des désaccords importants entre WRF et Aladin-Climat. La majorité des modèles d'Euro-Cordex semblent néanmoins s'accorder sur une augmentation de 2 à 8 jours.

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