Les ateliers de rencontre chercheurs et lycéens : Changement climatique et interdisciplinarité

Et si on réunissait lycéens de série ES (Economique et Social) et chercheurs travaillant sur des problématiques environnementales pour discuter du changement climatique et de ses implications ? Impossible ? C’est pourtant ce qu’il s’est déroulé lorsque 50 élèves du Lycée international de Luynes sont venus à la rencontre des scientifiques du LabEx OT-Med ce mardi 4 Décembre 2018. Retour en images sur une journée d’échanges placée sous le signe de l’interdisciplinarité.

 

Dans le cadre de la diffusion des nombreuses recherches interdisciplinaires menées en son sein autour des thématiques environnementales, le LabEx OT-Med a convié les étudiants des classes ES du Lycée International de Luynes (Georges Duby) à participer à une « Journée sur le changement climatique : l’interdisciplinarité pour évaluer et trouver des solutions », à la rencontre de 7 chercheurs issus de disciplines aussi variées que l’écologie, la psychologie, l’économie, le droit ou les géosciences. Retraçons pas à pas le déroulement de ce rendez-vous

9H -

Les 50 élèves, leurs enseignants et les chercheurs du LabEx déferlent dans le grand amphithéâtre du CEREGE (Centre Européen de Recherche et d'Enseignement en Géosciences de l'Environnement). La journée débute avec une présentation d’ouverture par Joël Guiot, directeur d’OT-Med, paléoclimatologue et directeur de recherche au CNRS, mais aussi membre du GIEC et du GREC-Sud (Groupe Régional d’Experts sur le Climat). Son objectif : illustrer, à partir de la science du climat, l’importance de l’interdisciplinarité, mais surtout de la transdisciplinarité, afin que les résultats de recherche se développent et répondent plus efficacement aux enjeux environnementaux, politiques, économiques et sociétaux actuels.

 

10H –

Les lycéens se dispersent ensuite dans 6 ateliers animés par des chercheurs du Labex. Leur mission consiste à questionner, en petits groupes et par le prisme de l'interdisciplinarité, les impacts environnementaux de nos activités anthropiques. Un moment privilégié pour interagir, analyser et questionner nos organisations, nos mécanismes scientifiques, économiques, politiques et citoyens, pour obtenir les clefs de compréhension de notre environnement et trouver dans l'émulation collective les sentiers vers les solutions de demain. Qu’en est-il ressorti ? Infiltrons-nous au coeur de ces petits groupes de travaux pour en découvrir les débats.

ATELIER 1 : CONSTAT SUR L’ÉVOLUTION DU CHANGEMENT CLIMATIQUE, LES LIMITES ÉCOLOGIQUES.
Avec Alberte Bondeau, Chargée de recherche CNRS à l’IMBE (Institut Méditerranéen de Biodiversité et d’Ecologie)

Avec Alberte, 9 lycéens se sont réunis autour d’une table ronde dans la petite salle de réunion. Dans cette ambiance feutrée, l'écologue entreprend d’expliquer l’intérêt de la biodiversité, des sols et de l’agroécologie, avant d’aborder des notions plus techniques comme la séquestration de carbone ou les scandales agricoles. Des thématiques nouvelles pour les économistes en herbe, mais qu’ils accueillent avec enthousiasme. Une fois tous ces nouveaux concepts digérés, il est temps de discuter des infrastructures environnementales et de leur optimisation, d’imaginer comment s’adapter aux changements à venir et comment en atténuer les effets négatifs. “On pioche dans l’histoire et l'évolution de la prise en compte de l’environnement pour mieux comprendre la situation actuelle” explique un élève particulièrement intéressé, car avec le changement climatique, “tout est lié”. La nécessité de la transdisciplinarité résonne alors dans ce groupe comme une évidence.

   

ATELIER 2 : MOYENS D’ACTION, OUTILS SUR LE TERRAIN.
Avec Pierre Batteau, Professeur des Universités, ex-directeur de l'Ecole doctorale des sciences économiques et de gestion (AMU)

Dans un bâtiment un peu plus éloigné, Pierre Batteau et son groupe de lycéens débattent des outils et des méthodes d’action en faveur du climat et de l'environnement dans une ambiance studieuse. Tous connaissent les problèmes actuels et les évoquent avec assurance : les plastiques formant le 7e continent, la pollution de l’air aux particules fines, ou la difficulté d'amorcer le changement des comportements. L’atelier s’anime quand chacun commence à proposer des solutions dans tous les domaines, à différentes échelles. Verdict ? “Si beaucoup de solutions techniques existent pour atténuer la crise environnementale, il faut aussi prendre en compte les externalités négatives (les “mauvais côtés”) de chaque méthode, le contexte économique ou la justice sociale”.

ATELIER 3 : ASPECTS ÉCONOMIQUES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE.
Avec Olivier Chanel, Directeur de recherche CNRS à l’AMSE (Aix Marseille School of Economics)

Le groupe encadré par Olivier s'installe dans une petite salle de conférence pour se pencher sur la question suivante : comment déterminer combien la société est prête à consacrer aujourd’hui, en terme d’investissement, à la réduction des futures conséquences des émissions de gaz à effet de serre ? Pour y répondre, les étudiants revêtent leur casquette d’économistes et regroupent leurs idées sur un powerpoint. Politiques de limitation, estimation des coûts... mais comment monnayer le bonheur ou le bien-être ? Les réponses ne sont pas simples à trouver, mais le débat, passionnant, n'en finit pas.

ATELIER 4 : NÉGOCIATIONS SUR LE CLIMAT : ASPECTS JURIDIQUES.
Avec Marellia Auger, Doctorante, Lauréat du Concours Mondial de Rédaction sur le Droit et la Gouvernance Climatiques 2017

Dans l’atelier de Marellia, l’objectif est de retracer l’historique des négociations climatiques depuis 1992 avec les moments clefs, les évolutions du discours environnemental des différents pays, et les spécificités des accords qui en ont résulté. Mais c’est par un jeu de rôle que chacun explore réellement les mécanismes des négociations climatiques: un groupe représente le Brésil, un second incarne la France, et un dernier parle au nom d’une ONG. Le constat est clair : difficile de s’accorder sur des actions malgré l’enjeu commun. “C’est parce que, économiquement parlant, personne n’est égal” réagit une étudiante en bout de table. “Donc les mécanismes répressifs comme les taxes ne peuvent être ni justes ni efficaces face à ces disparités”. Les élèves font d’ailleurs vite le lien avec l’actualité : “c’est un peu comme ce qu’il se passe avec les Gilets Jaunes...”. “Et c’est tout l’enjeu de la COP24 actuelle que de trouver des solutions nouvelles incitant à respecter les accords de Paris”, conclut Marellia.

ATELIER 5 : RÉSULTATS, PERSPECTIVES, PROGRÈS, CONSÉQUENCES.
Avec Antoine Nicault, Docteur en biologie et écologie, Coordinateur et animateur du GREC-SUD

Derrière le nom mystérieux de ce cinquième atelier, Antoine propose à son petit groupe de co-construire un sujet de réflexion. Ainsi, munis de stabilos et de grandes feuilles de papier qu’ils étalent sur les tables du haut de l'amphithéâtre, les 6 lycéens imaginent une problématique : que percevons-nous des mesures d’atténuation climatique ou de transition écologique ? Et quelles conséquences en tirer ? Les exemples fusent : “il y a des subventions sur les véhicules électriques, et des interdictions de circulation pour d’autres voitures dans la capitale”. C’est en effet une première échelle de mesures complémentaires, mais qui pose déjà des désagréments politiques et citoyens. A plus grande échelle, les élèves remobilisent leurs cours sur les marchés de quotas d'émission au niveau européen, ou leurs connaissances sur les organisations de COP à l'international. Le point commun de tout cela ? "Des mesures essentiellement restrictives ne peuvent permettre à elles seules une transition sereine : c'est par l'intégration des co-bénéfices, par exemple, que ces mesures pourront être mieux perçues".

ATELIER 6 : CHANGEMENT CLIMATIQUE ET DYNAMIQUES SOCIALES ; ENTRE CAUSALITÉ ET RÉPONSES.
Avec Raquel Bertholdo, Maître de conférences AMU en psychologie à ESPACE (Etude des Structures, des Procédures d’Adaptation et des Changements de l’Espace)

Le groupe de Raquel est le plus grand, et il est exclusivement féminin. Dans une salle de classe, la psychologue décide de démarrer l’atelier par un jeu permettant de prendre conscience de l’influence du groupe sur la prise de décision de l’individu. “On a essayé individuellement de donner une première estimation du nombre de points noirs dessinés sur une page blanche”, explique une élève. “Quand une première personne s’est exprimée, on a remarqué que les suivantes devant s’exprimer ont remis en cause leur propre estimation pour tenter de s’approcher de celle proposée par la première personne, et ainsi de suite”. Un exercice idéal pour soulever des questions sur la montée du climato-scepticisme dans certains pays. Puis vient le temps de réfléchir à l’impact des perceptions d’un risque environnemental sur le comportement humain. Les lycéennes se confrontent alors à la question suivante : pourquoi les ouragans aux noms féminins sont-ils plus meurtriers que les masculins ? “On se sent moins en danger quand un ouragan de nom féminin approche, parce que les stéréotypes nous suggèrent qu’une femme peut faire moins de dégâts qu’un homme” répond une autre étudiante en souriant. Et c’est un fait : “La perception du risque est moindre, on se protège moins, il y a donc plus de dégâts” conclut Raquel.

12H -

De retour dans le grand amphithéâtre, il est temps pour chacun des groupes de se réunir et de présenter à leurs camarades le fruit de leurs travaux réflexifs menés en petits ateliers. A l’aise, tous s’expriment à tour de rôle sur l’estrade. Ils donnent à leur manière un aperçu des discussions engagées avec les différents spécialistes, et restituent avec une assurance frappante les nouvelles connaissances qu’ils ont emmagasinées dans diverses disciplines, parfois pointues et éloignées de leur filière d’études. C’est aussi et surtout pour eux l’occasion de confronter leurs idées et de les remettre dans un contexte socio-économique : la tenue de la COP24 à Katowice (Pologne), le mouvement des Gilets Jaunes face aux mesures environnementales du gouvernement, ou la prise en compte de l’urgence climatique par les citoyens, au cœur de l’actualité, animent les restitutions et les discussions et donnent corps à la théorie des ateliers. Les questions fusent, et le débat n’en ressort que plus enrichissant.

     

 

14H -

Après une pause bien méritée, Joël Guiot et Stéphane Jolly - enseignant ES et accompagnateur des lycéens - se réunissent sur l’estrade de l'amphithéâtre pour formuler une synthèse de la matinée. Comment faire passer efficacement le message de l’urgence climatique et de la nécessité de transformations multi-échelles ? Les discours des deux hommes se répondent. “Les chercheurs ont un devoir d’information et de transfert de connaissances pour toucher l’ensemble de la population” indique Joël. La difficulté consiste à faire accepter aujourd’hui des mesures qui ne produiront des effets qu’à un horizon moyen voire long terme. “Pourquoi devrais-je me soucier des générations futures ? Ont-elles jamais fait quelque chose pour moi ?" ajoute-t-il en référence à Marx Groucho pour souligner avec humour la difficulté d'avancer. Stephane Jolly enchaine : "Au-delà de l’information, il y a donc un réel besoin de travailler à l’acceptation des contraintes que la transition implique : rien de mieux, pour cela, que de rendre les citoyens acteurs de leur apprentissage et donc de cette transition”. Cette journée de rencontre en est ainsi une première étape et “il faut absolument multiplier ce genre d’initiatives” conclut-il sous les applaudissements approbateurs de toute la salle.

14H45 -

A présent, place au jeu ! Le LabEx profite de la présence des 50 étudiants pour leur présenter « LudiCC », l’application pédagogique gratuite développée à la rentrée scolaire 2018 qui propose d’approfondir nos connaissances sur le changement climatique tout en s’amusant. C’est l’heure de dégainer les smartphones et de se défier sur les thématiques aussi larges que les politiques environnementales, l’agro-écologie ou la circulation des courants océaniques !

PLUS D'INFORMATION SUR L'APPLICATION

 

15H -

Après cet interlude, il est déjà temps de passer à la dernière activité de la journée, et non des moindres : le speed searching ! Par petits groupes, les lycéens rencontrent, pendant 10 minutes, un professionnel d’un laboratoire de recherche : chercheur, ingénieur, doctorant, mais aussi informaticien, médiateur ou administratif, c’est l’occasion de discuter études, parcours et passions à travers tous les métiers liés de près ou de loin à la recherche scientifique en laboratoire. Un moment de partage apprécié de tous pour clore en beauté cette journée d’échanges créatifs, à l’interface science-société.

C’est ainsi que s’achève cette rencontre très positive que le LabEx espère pouvoir réitérer, avec le Lycée Duby ainsi que d’autres établissements à l’avenir. Tous les membres d’OT-Med tiennent à remercier chaleureusement les enseignants (Stéphane Jolly et Cecile Picard) et les 50 étudiants ayant répondu à l’appel. Un grand merci également à Sophie Pekar, Marie-Charlotte Bellinghery et Thibault de Garidel pour avoir organisé cette riche journée, aux sept chercheurs du LabEx pour s'être plié à l'exercice des ateliers bénévolement, et à tous les membres des laboratoires ayant donné de leur temps pour assurer le bon déroulement de la rencontre dont chacun est sorti ravi (Séverine Thomas, Didier Zévaco, François Demory, Glory Sossa, Vladimir Vidal, Yannick Garcin, Agathe Toumoulin).