Quelle est l’évolution des négociations sur le changement climatique depuis 20 ans dans le contexte de la COP21 ?

Jérémy Fischer & Marine Tranchant
(étudiants Master SET spécialité Système Terre - Changements Globaux)

En décembre 2015 se tiendra à Paris la 21ème conférence internationale sur le climat. Alors que la question du changement climatique obsède aujourd’hui politiques, médias et grand public, ce rendez-vous relève d’une importance capitale pour définir le visage de notre planète dans les prochaines années.
Depuis plus de 20 ans, la communauté scientifique s’accorde à dire que nous sommes face à un réchauffement climatique global, induit par l’Homme via nos émissions de gaz à effet de serre. Cette prise de conscience a poussé nos dirigeants à se réunir afin d’établir une politique commune de lutte contre le changement climatique. C’est dans ce cadre qu’ont lieu annuellement les COP, ou conférences des parties, rassemblements internationaux sous l’égide de l’ONU.
Mais ces multiples réunions n’ont toujours pas permis de trouver un consensus. Cette conférence de Paris prend donc des airs d’ultimatum dans les négociations internationales pour décider d’une action commune de réduction des gaz à effet de serre afin de préserver l’avenir de notre planète.

Le début des négociations
La première réunion internationale des Nations Unies sur le réchauffement climatique a eu lieu en 1992 à Rio de Janeiro. Une convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC) a été adoptée par les 154 États présents en plus de la totalité des membres de la communauté européenne (aujourd’hui l’adhésion est quasi universelle) ; elle admet la responsabilité de l’Homme dans le changement climatique et fixe les premiers objectifs. Ceux-ci ont pour but de forcer les pays à diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre à un niveau qui ne met pas en danger le climat mondial ; un premier rendez-vous sans contraintes juridiques réellement définies mais avec des promesses.
Ce « sommet de la Terre » a posé les bases d’une négociation devant aboutir à un protocole officiel. C’est seulement 5 ans plus tard, en 1997, et après d’âpres négociations (notamment entre les États-Unis et la communauté européenne), qu’a été adopté le protocole de Kyoto. Celui-ci établit des objectifs chiffrés et les moyens à mettre en œuvre pour tenir les promesses de Rio (entérinés par les accords de Bonn et Marrakech en 2001). Il a abouti entre autre à l’engagement de 37 pays développés et en transition sur des objectifs juridiquement contraignants d’émissions de gaz à effet de serre : baisse de 5,2% par rapport au niveau de 1990 à l’horizon 2012. Il est entré en vigueur le 16 février 2005, après la ratification de la Russie qui a permis d’atteindre le palier minimum de 55 pays représentant 55% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. A ce jour, 192 pays ont ratifié le protocole.

Un résultat mitigé
Mais l’absence des États-Unis, seul pays ayant signé le protocole et refusé de le ratifier, la difficulté de certains pays à réduire leurs émissions (notamment le Canada qui s’est retiré du protocole depuis) et la gronde des pays en développement accusant les pays développés de ne pas tenir leurs engagements, ralentit la mise en place du protocole.
Dès 2007, un nouvel accord international sur le climat est renégocié lors des conférences de Bali (COP13) et de Poznan (COP14, décembre 2008). Le but était d’établir un nouveau protocole lors de la prochaine COP prévue à Copenhague en 2009 qui pourrait remplacer Kyoto, alors que celui-ci arrivait à échéance et qu’il n’avait pas apporté les résultats escomptés. Un nouvel objectif plus ambitieux était même prévu : limiter l’augmentation des températures à 2°C en 2100 par rapport à l’ère pré-industrielle via une nouvelle politique commune en matière de gaz à effet de serre. 
Mais le sommet de Copenhague s’est achevé sur un échec, aboutissant seulement à un accord juridiquement non contraignant, négocié entre peu de pays (États-Unis, Chine et pays émergents notamment, mais sans l’Union Européenne).
Aucun protocole ne prendra donc la succession de celui de Kyoto. Les négociations ont échouées à cause de plusieurs facteurs : blocage de certains pays ayant un intérêt économique dans les énergies fossiles, engagement toujours aussi faible des États-Unis à cause de désaccords avec l’Union Européenne et peu de volonté de la part des pays émergents comme la Chine, ne voulant pas se faire dicter leur politique par les européens. Malgré l’optimisme du secrétaire général de l’ONU, désignant un « premier accord réellement mondial », l’accord de Copenhague n’a abouti à « aucun engagement chiffré de réduction des émissions de gaz à effet de serre, se contentant de prôner la coopération pour atteindre un pic des émissions aussi tôt que possible » (extrait d’un article paru sur le site internet du quotidien Le Monde le 19 décembre 2009).

L’avenir de la planète passe par Paris
Passer des intentions aux actes, tel est le but des prochaines COP. Malgré quelques progrès dans les négociations, aucun engagement n’est pris en 2010 à Cancún.
Devant l’urgence de la situation, les États membres ont été obligés de prolonger le protocole de Kyoto in extremis lors de la conférence de Doha en décembre 2012, à un mois de la fin de celui-ci. En parallèle, un groupe de travail a été créé à la suite de la « Plate-forme de Durban » (conférence de Durban, décembre 2011) afin de trouver un accord universel pour fin 2015 devant (enfin) aboutir à un protocole ou un instrument juridique contraignant pour définir le régime climatique post-2020.
Mettre fin à deux décennies de négociations et remplacer un protocole vieux de 10 ans qui peine à montrer son efficacité, voici l’enjeu majeur lors COP 21 de Paris.
La réunion de 2015 est capitale pour trouver un accord entre tous les pays et enfin lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Sa préparation a d’ailleurs commencé depuis la conférence de Varsovie de l’année dernière et continue actuellement à Lima où a lieu la 20ème COP.
Plus qu’un nouveau Kyoto, ce sont nos comportements en matière de consommation d’énergie, nos réflexions sur le changement climatique qu’il faut modifier et rendre plus ambitieux. Aujourd’hui, ce réchauffement est inéluctable, irréversible d’après le groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) ; mais il nous est possible de l’atténuer, à condition d’agir main dans la main, de manière globale et sans exceptions. Notre avenir est en jeu !