Est-ce que les incendies de forêt vont augmenter dans les pays autour de la Méditerranée suite aux changements climatiques ?

Thomas Curt (Directeur de recherche, IRSTEA, Institut national de Recherche en Sciences et Technologies pour l’Environnement et l’Agriculture)

 

Les incendies de forêt constituent un risque important sur tout le pourtour méditerranéen. Ils font partie du paysage et des pratiques humaines depuis des millénaires, et sont une perturbation importante pour les écosystèmes. Les incendies de forêts résultent de la combinaison de facteurs naturels et humains : les conditions climatiques et météorologiques qui contrôlent l’éclosion des feux, leur extension et leur dangerosité, le type d’occupation du sol et sa disposition dans le paysage qui contrôlent la propagation et le comportement du feu, et l’action humaine qui explique largement les départs de feux, mais qui limite aussi ceux-ci via la prévention et la lutte.

Les analyses et modélisations climatiques menées notamment dans le cadre de projets européens (FUME 2010-2013) indiquent une augmentation globale des températures autour de la Méditerranée, et d’épisodes climatiques exceptionnels comme la forte sécheresse de 2003. Le changement sur le moyen terme des conditions climatiques devrait augmenter la fréquence et l’intensité des incendies, conduire à un allongement moyen de la durée de la saison à risque (incendies de printemps et d’automne plus nombreux), et étendre la zone à risque depuis la rive méditerranéenne la plus chaude et sèche vers l’arrière-pays. Ces tendances sont déjà observées en France : une extention de la zone à risque (actuellement 32 départements) est ainsi probable. Les épisodes exceptionnels plus nombreux devraient au développement de très grands feux ayant un impact majeur, comme ceux observés récemment en Grèce, en Espagne, ou au Portugal.

Tous les pays du pourtour méditerranéen présentent tous des conditions favorables au développement des incendies. Il existe cependant de fortes disparités entre pays : elles sont liées aux conditions naturelles, mais aussi beaucoup à la politique de prévention et de lutte. En France, la plupart des incendies sont bien maîtrisés [1] (voir ci-dessous point 2) alors qu’ils continuent d’augmenter en nombre, en surface et en intensité dans certains pays. Ainsi, les très grands feux dévastateurs sont toujours très abondants en Grèce (1998, 2002, 2005, 2007, 2012, 2013), en Espagne ou au Portugal. Ces différences sont principalement liées aux dynamiques d’occupation du sol (pourcentage de forêt inflammable, de garrigue…), au développement des zones urbanisées en bordure des massifs forestiers combustibles, et à la politique de prévention et de lutte.

Ces résultats plaident pour une politique de gestion de l’espace et de la végétation sur le long terme permettant de limiter les départs de feu, l’impact des feux futurs, et le coût de la gestion post-incendie.

Liens vers dossier Irstea : 
Incendies de forêt : la recherche sous le feu de l’action !


[2] L’année 2013 est d’ailleurs exceptionnelle en Provence (faible nombre d’incendie et la faiblesse des surfaces brûlées) alors que des incendies exceptionnels se sont produits au Portugal et en Espagne