Est-ce que les événements extrêmes que l’on constate aujourd’hui sont tous une conséquence du changement climatique ?

Nouméa PARADIS & William RAPUC
(étudiants Master SET, spécialité Système Terre : Environnement, tectonique, géomorphologie et paléoclimat)

Depuis toujours les désastres liés aux événements climatiques extrêmes rythment la vie de l’être humain à force d’inondations, de cyclones, de sécheresses intenses. Dans le contexte de changement climatique actuel il est donc tentant de relier ces phénomènes extrêmes au réchauffement actuel du climat. Cependant il est clair que ces phénomènes existaient déjà avant notre ère et à fortiori avant l’ère industrielle, mais il y a-t-il eu une évolution des ces phénomènes en lien avec le changement climatique ? Et surtout, est-ce que ce changement aura un impact futur sur le nombre et l’intensité de ces phénomènes ?

 

Inondations

Au cours de l’année 2015 les exemples de crues et d’inondations désastreuses ne manquent pas : début janvier au Mozambique avec plus de 225 morts, dans les Alpes Maritimes en Octobre (17 morts), ou depuis Octobre dans la région de Chennai en Inde (272 morts). Dans ce sens, une des questions récurrentes est : allons-nous connaître une augmentation de la fréquence de ces événements extrêmes dans ce contexte de réchauffement ?

Nombreuses sont les recherches sur ce sujet et toutes concluent qu’au premier ordre un climat plus chaud pourrait entraîner l’augmentation de la fréquence des crues et d’inondations. Cependant le changement climatique ne s’exprime pas de manière uniforme à la surface du globe et son évolution demeure incertaine1. La modélisation de l’évolution de la fréquence des crues d’ici à 2100 en fonction des différents scénarios du GIEC révèle que pour certaines régions comme l’Asie du Sud, ou l’Afrique du Sud-Est la fréquence des crues va augmenter de façon significative tandis qu’elle va diminuer dans les régions d’Europe de l’Est ainsi qu’en Asie Centrale par exemple.

Alors oui, au premier ordre il est possible de dire que la fréquence des crues et des inondations peuvent avoir un lien direct avec le changement climatique actuel. Mais il ne faut pas oublier que ces phénomènes dépendent principalement de processus météorologiques complexes pour lesquelles l’influence régionale est importante.

 

Tempêtes

De la même manière que pour les inondations ou les crues, les tempêtes sont très bien recensées par les différents média, il est donc aisé de constater que, chaque année, le nombre de tempêtes extrêmes est élevée, comme par exemple en 2004 au Japon où plus de 10 cyclones ont frappé la population. L’interrogation principale concernant les tempêtes est de savoir s’il y a une augmentation de l’occurrence de ces événements ?

Sur ce thème précis le nombre de recherches et de publications est assez important mais tend à des résultats contradictoires. D’après une synthèse établit en 2010 il paraît clair que le changement climatique exprimé par une augmentation du niveau de la mer et des températures aura pour conséquence directe d’augmenter l’intensité des tempêtes et notamment des tempêtes tropicales2. Le nombre de cyclones devrait toutefois diminuer d’ici à 2100.

Le lien entre les tempêtes extrêmes et le changement climatique actuel n’est donc pas aussi simple et clair que ce que l’on suppose. De plus, même si les variations générales d’intensité et de fréquence semble bien estimé, il ne faut pas oublier que comme pour les inondations, les tempêtes sont des phénomènes météorologiques difficiles à cerner et et doivent l’être de façon différente en fonction des régions du globe.

 

Sécheresse et canicules

Chaque été en France ou ailleurs des records de températures sont battus : le mois d’août 2015 est annoncé par la NOAA comme le mois d’août le plus chaud jamais enregistré depuis 1880. L’été 2015 est d’ores et déjà considéré comme caniculaire comme celui de 2003 avant lui. Les périodes de stress hydrique ou de sécheresses semblent de plus en plus récurrentes comme l’atteste celles d’Afrique du Sud ou de Californie en 2015.

Dans un contexte de changement climatique il est difficile de déconnecter ces périodes de températures et de sécheresses extrêmes de cette hausse graduelle des températures. Toutefois il faut noter que ces nombreuses sécheresses s’expriment de manière différente en fonction de leur localisation. De plus, en s’intéressant aux variations interannuelles des températures de nombreux scientifiques ont mis en avant d’autres mécanismes pouvant expliquer ces phénomènes. En effet, le processus climatique ENSO (El-Nino-Southern-Oscillation) est le facteur le plus influent sur ces variations. Une année El-Nino (comme 2014-2015) sera caractérisée par des températures globales plus élevées que la moyenne tandis qu’une année La-Nina aura l’effet inverse.

Ainsi, même si l’augmentation des températures aura tendance à multiplier les années extrêmement chaudes et pauvres en précipitations il ne faut pas oublier que les réponses seront avant tout locales et surtout réglées par des processus météorologiques complexes en partie encore incompris pour certain.

 

Conclusion

A la question est-ce que les événements climatiques extrêmes sont une conséquence du changement climatique actuel, plusieurs réponses s’imposent. Tout d’abord il est clair que le changement climatique global auquel nous faisons face a un impact sur l’ensemble des processus climatiques et donc par conséquent aussi sur les phénomènes extrêmes. D’ailleurs de nombreux auteurs ont récemment mis en avant les relations entre ces phénomènes et le réchauffement global. Toutefois chaque type d’événement extrême fournit une réponse spécifique aux paramètres météorologiques qui le régissent et est fonction de la localisation géographique. Enfin l’incertitude liée à l’utilisation de modèles ne permet pas toujours, à l’heure actuelle, aux scientifiques de trancher sur cette question.

Références
1- Hirabayashi, Y., Mahendran, R., Koirala, S., Konoshima, L., Yamazaki, D., Watanabe, S., Kim, H., Kanae, S., 2013. Global flood risk under climate change. Nature Climate Change 1911 : 10.1038
2- Knutson, T. R., McBride, J. L., Chan, J., Emanuel, K., Holland, G., Landsea, C., Held, I., Kossin, J. A., Srivastava A. K., Sugi, M., 2010. Tropical cyclones and climate change. Nature Geoscience 3, 157 - 163